Bertrand et moi avons été éduqués de la même manière : nous ne dépensons pas l’argent que nous n’avons pas et comme disait mon grand-père : « on ne pète pas plus haut que son c*l ». Bref, nous avons grandi bercés par l’illusion que si nous travaillions bien à l’école et que si nous faisions de « bonnes études », nous trouverions un emploi qui nous permettrait de vivre. Cependant, force est de constater que les temps changent et que, pour nous (malgré nos années de « bonnes études » et nos expériences variées), un boulot pas trop désagréable, pas trop mal payé, pas trop « durée déterminée », c’est un peu difficile à trouver. Sans compter ces foutues valeurs d’équité, d’autonomie et de bienveillance qui nous poussent à mettre nos curseurs un peu trop haut.
Quoiqu’il en soit, quand nous évoquons le Bout du Monde autour de l’apéro-Skype -spécial-covid, les retours de nos familles sont positifs, mais frileux, et nous les comprenons : personne n’a envie de nous voir endettés jusqu’au cou et sombrer dans le malheur causé par la prétention de vouloir vivre dans un lieu idyllique et hors de prix.
Donc, prudemment, nous avons toujours promis que nous ne signerions rien et que nous ne demanderions pas de crédit à la banque tant que nous n’aurions pas un modèle économique viable, solide et imparable.
Depuis le début de l’incubation, nous attendons gentiment le moment où il faudra se mettre à la question « financière » et nous travaillons à ce que nous savons faire : un peu de communication, un peu de gestion de projet, un peu d’étude de marché et nous repoussons toujours avec un peu plus d’angoisse le moment de parler des chiffres. Pour nous, les chiffres, c’est un peu le grand capital : c’est mal !
Deux accompagnateurs pro de la gestion et de la stratégie financière
Hier, nous avons compris la force de l’accompagnement : l’incubateur nous a trouvé deux super mentors ! La première est conseillère de gestion spécialisée dans le domaine agricole, le second est multi-casquette et spécialisé dans la stratégie financière. Autant vous dire qu’en deux heures de réunion, notre champ des possibles s’est considérablement élargi.
Le premier point ultra-positif est qu’aucun des deux n’a l’air de trouver le projet impossible : il semble suffire de ranger les bons chiffres dans les bonnes cases, de réaliser les bons calculs prévisionnels, d’identifier les activités rentables, de faire les bons choix statutaires et l’opération est tout à fait faisable.
Cette réunion nous a aussi permis d’évacuer certaines de nos craintes et nous nous sommes sentis réellement compris : tous les conseils qui nous ont été donnés semblent être en accord total avec nos instincts et nos façons d’être. Encore un pas vers l’alignement.
Multiplier les sources de revenus
La maxime le dit : il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. L’idée est donc de diversifier les activités. Dans l’idéal, il faudrait en identifier cinq, chacune valant 20% des recettes globales et de minimiser les risques (notamment, en ce qui nous concerne, sur l’activité équestre).
Nous avons également été encouragés à garder nos emplois actuels, surtout ceux concernant l’enseignement : ils nous permettront de rester connectés au « reste du monde » et d’assurer des revenus stables. Ce conseil est arrivé à point car nous commencions à ne plus savoir où mettre nos « autres activités » dans le projet et l’idée de devoir abandonner nos réseaux professionnels rennais ne nous motivait pas du tout : ils nous apportent beaucoup et c’est aussi grâce à eux que ce projet va si loin.
Garder l’idée du lieu coup de cœur
Effectivement, le centre équestre du Bout du Monde est un véritable coup de cœur : dès la première visite nous nous sommes sentis bien là-bas et nous nous sommes vus vivre et faire grandir nos projets dans ce Penn-ar-Bed* qui nous attire tant. Mais c’est un centre équestre. Pas une ferme avec des gîtes, pas un lieu d’hébergement, pas un éco-hameau. Un centre équestre. Ce qui veut dire que si nous souhaitons pouvoir accueillir du monde et proposer des « nuitées », il faudrait faire des travaux et, dans ce but, nous aurions besoin de plus de fonds et l’accord de la commune. Rien n’est gagné donc.
J’ai posé ce dilemme à notre deuxième accompagnateur et sa réponse a été très encourageante : « concentrez-vous sur ce que vous pouvez faire dans ce lieu qui vous plait tant, ne vous dispersez pas à chercher un autre endroit (qui, de toutes façons, ne sera jamais aussi bien que ce coup de cœur) ». Si jamais le lieu est vendu, nous aurons de toutes façons tout le loisir de nous concentrer sur un « ailleurs ».
Nous avons donc comme mission de répertorier tout ce que nous pourrons mettre en place sur le lieu en l’état puis tout ce que nous envisageons avec travaux. Cette étape va nous demander quelques jours de travail !
Ne pas avoir peur de voir grand
En tout cas, lorsque notre stratège financier nous a conseillé de monter une « holding« , c’est ce que nous nous sommes dit.
Enfin non… au début nous avons eu peur. Très. Nous, bisounours, invalides de l’efficacité financière, monter une holding ? « Bertrand… on est d’accord : une holding, c’est un énorme groupe style LVMH ? Avec des grands patrons et des points d’interrogations sur la gestion sociale du groupe, non ? Et nous… nous sommes plutôt du côté de Ruffin non ? ».
Et puis notre accompagnateur nous a fait redescendre sur terre : « C’est juste un format qui vous permet de gérer différentes sociétés au sein d’un même groupe ! Avec ce genre de modèle, vous pouvez facilement développer toutes les activités que vous avez en tête ».
Dans ce cas… Challenge accepted ! De toutes façons, nous sommes là pour apprendre et expérimenter : nous verrons bien ce que donne la théorie confrontée à la réalité, notre but restant, quoiqu’il arrive, de pouvoir trouver une stabilité économique à toutes les activités – dites sociales – que nous aimerions mettre en place.
« Visez toujours la lune. Même si vous la manquez, vous atterrirez parmi les étoiles. »
Les Brown
Être confortés dans nos intuitions et avancer, quoiqu’il arrive !
Au-delà de ces avis techniques et des conseils pour avancer, nous avons également apprécié le fait de pouvoir partager « sans filtre » nos angoisses. Nous sommes, par exemple, relativement perfectionnistes et ce trait de caractère nous pousse parfois au syndrome de l’entrepreneur et de la piscine. Nous tournons autour du bassin, nous demandant si il faut plonger, se mouiller d’abord la nuque, rentrer dans l’eau par les escaliers, prévoir de faire des longueurs, juste barboter, mettre la tête en premier, y aller par palier, goûter l’eau avec l’orteil, tester la température avec un thermomètre, vérifier les taux de chlore, et quels vêtements mettra-t-on en ensuite, etc. Sans jamais vraiment plonger.
Ce qui est ressorti de ces rendez-vous, c’est que nous pouvons plonger : nous savons nager ! Par contre, nous allons pouvoir recevoir de véritables conseils techniques pour améliorer notre crawl et apprendre le papillon.
En bref, nous pouvons faire certains calculs à la louche : la précision viendra plus tard. Le but pour le moment est d’avancer et de tester, nous n’avons rien à perdre !
Nos deux accompagnateurs s’engagent donc à partager leur expérience et à nous transmettre les outils qui nous permettront de continuer cette belle aventure.
Alors que le confinement commençait peu à peu à atteindre notre moral (nous avions l’idée de passer deux semaines en avril à Porspoder afin de rencontrer des potentiels partenaires) et que nous étions en train de perdre la conviction qu’il fallait nous battre pour ce lieu, ces rendez-vous avec nos deux accompagnateurs nous ont totalement re-boostés. Nous avons remis le pied à l’étrier : nous avons des devoirs, des échéances et surtout un soutien moral des plus solides ! Merci EnZHyme !
*Penn-ar-Bed : Bout du Monde, nom breton du Finistère 🙂
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